ACCESSIBILITE PERSONNE A MOBILITE REDUITE

fauteuil chasseur

Paris ville lumière, mais pas ville mobile.

Paris Mal Roulante

C’est souvent à l’occasion d’un changement de situation radical qu’il nous est donné l’opportunité de voir les choses sous un autre angle.

Si l’on sait ce que c’est que l’accessibilité handicapé, on ne sait peut-être pas à quel point dans notre pays et surtout notre belle capitale, cette accessibilité ne l’est justement pas…accessible.

Les accidents de chasse arrivent et celui de se casser la figure et une malléole fait partie du parcours du chasseur. C’est fort embêtant pour être poli mais le cerveau n’étant, lui, pas plus atteint que d’habitude, nul n’est besoin de s’arrêter de travailler. Un plâtre et un fauteuil roulant permettront à notre intrépide de service de se transporter à divers endroits de la capitale pour une signature notaire ou des visites, accompagnée de son fidèle et bienveillant chauffeur, pousseur.

PMR invisibles !

C’est déjà le premier luxe : la mobilité augmentée de la voiture avec chauffeur. Après avoir recruté de force un membre volontaire de sa famille l’aventure de l’accessibilité PMR commence.

Inutile de préciser qu’un appartement permettant ces fantaisies est la base requise.

Nous voilà tout d’abord partis dans le quartier proche. L’angle de vision s’est abaissé de quelques dizaine de centimètres et le regard est à hauteur des pots d’échappement qu’ils soient humains ou des véhicules majoritairement à moteur thermique pour l’instant. kof kof!

A cette hauteur, on devient invisible pour une grande partie de cette faune déambulant sur les trottoirs : les yeux rivés sur leur téléphone, nos congénères (en un mot ou en deux ?) ne percutent rien de leur environnement à part mon pied qui grâce à son plâtre souffre plus de peur que de mal. Cela m’amène à penser que tous les handicapés n’ont pas « l’avantage » d’être plâtré et donc d’avoir une protection. Pas forcément besoin d’ailleurs d’être absorbés par son téléphone pour ne voir qu’à sa propre hauteur et ne pas condescendre à regarder un poil plus bas. Les enfants doivent en faire également les frais de temps en temps, bien que plus mobiles.

Ces gamins en mal de défoulement sur les trottoirs qui courent, sautent et se pourchassent sont souvent les plus touchés par la vision d’un individu en fauteuil. Effrayés mais aussi empathiques, ils vous regardent en grimaçant ou vous disent parfois « merci » quand vous sortez de l’ascenseur exprimant leur considération.

Les conducteurs juchés sur leur siège de plus en plus haut, notamment dans les monospaces ou 4X4, ne voient pas le fauteuil roulant qui est devant son capot. La vie en ville d’une PMR est bien plus risquée que pour les autres et je me demande s’il existe une estimation de l’espérance de vie des PMR en ville ?

Les équipements dans la ville

A propos d’ascenseur il y en a de plus en plus et c’est une bénédiction. J’habite sur la dalle des Olympiades et le coin est plutôt bien équipé. De la dalle centrale nous avons accès à 3 ascenseurs placés stratégiquement au nord, à l’est et à l’ouest. Celui de l’est est plus souvent en panne qu’en fonction et dans ce cas, nous pouvons utiliser la rampe d’accès dont le degré est plus proche de celui d’une piste d’entrainement de bobsleigh en vue des J.O. d’hiver que d’un confortable et sécure accès pour fauteuil roulant. Cet accès fait cependant le bonheur des trottinettes, skateboards et autres patins à roulettes ou poussettes aimant vivre dangereusement. Je parle ici pour la descente car le seul risque en montée est de faire une marche arrière involontaire en raison de l’épuisement de vos bras qui renoncent à vous propulser. On pense à Buster Keaton !

Celui de l’ouest, cela fait des mois qu’on ne l’a vu fonctionner. On en oublie que c’est un ascenseur.

Celui du nord, un peu juste en taille, fonctionne plutôt pas mal. En 5 semaines je ne l’ai vu en panne qu’une fois, et réparé assez rapidement. C’est donc le seul qui fonctionne de façon à peu près fiable pour 10 000 habitants autour de cette dalle.

Et une pensée pour les trottoirs qui penchent, avec des creux et des bosses, où le goudron lisse alterne avec des pavés, des trous, et les incontournables crottes de chiens à éviter en un savant slalom pour ne pas s’en mettre plein les roues (la gauche de préférence) et plein les mains. Entrainement pour les J.0?

Le Métro

Le chapitre sur le métro est évidemment assez court car le risque de se retrouver coincé en station est tel qu’il est fortement déconseillé de faire un tour en fauteuil dans ces couloirs aux interminables labyrinthes ou de nombreuses volées d’escaliers embusquées vous attendent en se marrant d’avance. Autant aller directo faire un tour aux catacombes en nocturne.

SEULE La ligne 14 est parfaitement accessible (si les ascenseurs fonctionnent).

On se réjouit des J.O. de 2024 à Paris et notamment de sa partie handisport qui ne permettra pas aux handicapés de se rendre seuls aux épreuves pour voir triompher leurs champions. Les athlètes handi, seront amenés sur site par la route. A moins de pouvoir se payer un taxi ou un parking, ou un hélico, je sais déjà quel type de supporters ne remplira pas les gradins des stades. Le comble est que la cérémonie d’ouverture des handi-jeux se fera place de la Concorde dont la balade sur les pavés disjoints vous laissera longtemps tremblant comme un vieillard sucrant les fraises, dont la station n’est pas équipée d’un ascenseur, et dont le parking Indigo s’il vous propose des places PMR, ne vous permet pas de sortir du parking en fauteuil : Ascenseur trop petit pour un fauteuil, et le dernier étage desservi fait face à 10 marches à monter, 5 marches à descendre pour aboutir dans un couloir du métro finissant par… des marches. J’ai adoré!

Une demande a été faite mais les monuments historiques refusent de donner l’autorisation pour préserver la beauté du site. C’est vrai que les barrières de sécurité qui se trouvent devant l’ambassade des Etats-Unis en permanence ne perturbent pas l’harmonie de cette belle place !

Visiter un appartement

Pour en revenir à la visite des appartements de la capitale et en présupposant qu’on puisse se rendre au lieu de visite, notre chasseuse témoigne de sa surprise et de son indignation face à un agent immobilier qui ne voulait pas donner rendez-vous à l’adresse même du bien mais absolument à l’agence qui n’était pas loin. Le tout sous la pluie. Il a fallu insister pour que cet individu malveillant fasse preuve d’humanité en ce début d’année !! On en pleurerait !

Trouver un appartement PMR relève de la gageure tant les appartements dotés d’un ascenseur aux dimensions requises se font rares. Il faut taper dans le 1970 ou dans le neuf.

Le neuf est cher mais présente l’avantage de ne pas avoir de gros travaux de copropriétés pour un bon moment alors que les années 70 sont dispendieuses en entretien.

Il reste alors le rez-de chaussée à condition que la largeur des portes permette d’entrer dans le bien. Il faut donc a priori rester dans la construction récente voire très récente.

En conclusion, cette expérience m’a un peu plus ouvert les yeux sur la vie dans la ville des personnes à mobilité réduite qui vivent et encaissent au quotidien, brimades, humiliations, indignations légitimes et si peu d’empathie de la part de leurs congénères, (en un mot ou en deux ?).

C’est pour cela que je me réfrène à souhaiter à toutes et à tous pour cette nouvelle année de se péter une cheville, un genou, un pied ou de se trouver dans une situation nécessitant quelques semaines en fauteuil pour en prendre de la graine.

On pourrait aussi sensibiliser en imposant au lycée, un petit challenge obligatoire à l’école de 15 jours en fauteuil à roulettes pour ceux qui habitent un logement le permettant. Les autres jouant les rôles d’accompagnateurs.

Je me souhaite pour ma part de ne pas oublier cette expérience et de garder sur mes concitoyens à mobilité réduite un regard respectueux, empathique mais surtout de les VOIR !

Bonne Année 2024 à toutes et à tous, assis ou debout, à roulettes ou non !

Il est graphique mon fauteuil!